Cet article a été corédigé par Sander Jansen, premier directeur, ESG, KPMG au Canada, et Christine Morris, conseillère principale, Services-conseils transactionnels, ESG et finance durable, KPMG au Canada.

Les dirigeants d’entreprises, les économistes et les organisations intergouvernementales comme l’Organisation des Nations Unies (ONU) et le Forum économique mondial (FEM) citent de plus en plus les changements climatiques parmi les risques les plus importants, sinon comme le risque le plus important, pour l’économie mondiale.1 D’ici 2050, les changements climatiques pourraient entraîner des pertes allant jusqu’à 18 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et 6,9 % du PIB du Canada, en plus d’avoir des répercussions sur l’état des résultats, le flux de trésorerie et le bilan des entreprises.2

Pour remédier à ce risque grandissant, il existe un consensus selon lequel des efforts importants doivent être déployés pour limiter le réchauffement à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, ce qui représente un objectif plus ambitieux que le plafond de 2 °C prévu dans l’Accord de Paris. Toutefois, au rythme actuel, nous nous dirigeons plutôt vers une augmentation de 2,7 °C à 3,2 °C.3

Il faut donc agir rapidement pour s’orienter sur la bonne voie. Pour contribuer à limiter et à atténuer les répercussions des changements climatiques, les secteurs public et privé ont entrepris de déployer des efforts à l’échelle mondiale en vue de réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050.

Compte tenu du potentiel d’affaiblissement ou d’amélioration de la valeur d’une entreprise que présentent les efforts organisationnels déployés pour restreindre les changements climatiques et réduire les émissions, les sociétés de placements privés et de capital de risque devraient y porter un grand intérêt. Elles ont également la possibilité de jouer un rôle essentiel. En évaluant et en analysant les profils d’émission des entreprises qui composent leurs imposants portefeuilles de placements, les sociétés de placements privés et de capital de risque peuvent stimuler d’importantes initiatives climatiques qui permettent à la planète de se rapprocher des cibles d’émissions tout en améliorant et en protégeant la valeur des entreprises.

Pour discuter de ce que peuvent faire les sociétés de placements privés et de capital de risque, la Canadian Venture Capital and Private Equity Association (CVCA) a récemment consacré un webinaire de la série Invest Canada aux stratégies de décarbonation pour les sociétés de placements privés et de capital de risque. Le webinaire était animé par Sander Jansen et Christine Morris, des professionnels qualifiés en finances durables de KPMG au Canada.

Un sondage mené en direct pendant le webinaire a révélé que la plupart des sociétés de placements privés et de capital de risque appuient nos objectifs climatiques collectifs, 60 % des répondants tenant déjà compte du climat dans leurs stratégies de placements. En ce qui concerne les actifs de portefeuille, 75 % des répondants ont affirmé que le climat fait partie du modèle d’exploitation de leur société de placements. Malgré tout, le processus de décarbonation de divers portefeuilles peut représenter un défi puisque les cadres réglementaires sur le climat se multiplient.

Le risque climatique représente un risque commercial

Le Rapport sur les risques mondiaux du FEM place le risque climatique au premier rang des risques pour l’économie mondiale. Selon un rapport du directeur parlementaire du budget du Canada, les changements climatiques liés aux émissions abaisseront le PIB du Canada d’environ 5,8 % d’ici 2100.4 En effet, les catastrophes météorologiques et climatiques peuvent interrompre les flux de trésorerie, anéantir les bilans et avoir de graves répercussions sur les économies.

Pour atténuer le rôle que jouent les grandes sociétés dans l’aggravation de la crise climatique, les parties prenantes et les autorités de réglementation ont resserré la surveillance pour veiller à ce qu’elles déploient des mesures concrètes pour réduire leurs émissions de carbone. Compte tenu des projections climatiques actuelles, Sander Jansen et Christine Morris insistent pour que les sociétés de placements privés et de capital de risque mettent en œuvre au plus vite des initiatives de décarbonation et présentent un programme qui produira des résultats significatifs.

Les émissions représentent des risques pour les sociétés de placements privés et de capital de risque

À l’échelle mondiale, un nombre croissant de cadres réglementaires contenant des exigences en matière de rapports financiers et de gestion des risques pour les entreprises et les investisseurs entrent en vigueur, par exemple le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), les Principes pour l’investissement responsable de l’ONU et le conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB). Le règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (Sustainable Finance Disclosure Regulation ou SFDR) et la taxonomie verte de l’Union européenne encadrent l’écoblanchiment et normalisent les exigences en matière de déclaration pour les placements liés à des émissions élevées.

Compte tenu des nombreux engagements pris par les investisseurs institutionnels, qui visent à réduire à zéro les émissions nettes produites par les entreprises de leur portefeuille par rapport au volume d’émissions qu’une entreprise peut produire, le carbone est devenu un frein pour les résultats nets d’une entreprise. Par ailleurs, les sociétés de placements doivent axer leurs efforts sur la réduction des émissions provenant de leurs propres activités ainsi que de celles des entreprises de leur portefeuille.

Comprendre les émissions au sein de votre portefeuille et les avantages de les réduire

Les émissions de GES d’une entreprise appartiennent à l’une des trois catégories suivantes :

Portée 1 : émissions directes provenant des activités (p. ex., émissions des bâtiments de l’entreprise et essence consommée par les véhicules de l’entreprise)

Portée 2 : émissions indirectes provenant de la consommation d’énergie (électricité, vapeur, chauffage et refroidissement)

Portée 3 : émissions provenant de la chaîne de valeur et du portefeuille, y compris celles liées au capital (placements, prêts et prise ferme) fourni aux entreprises du portefeuille, également appelées « émissions financées »

Si la plupart des entreprises produisent généralement des émissions des trois catégories, une grande partie des émissions dont les sociétés de placements privés sont responsables appartiennent à la troisième catégorie. Il existe certaines mesures que peuvent prendre les sociétés de placements privés et de capital de risque pour réduire leur fardeau d’émissions financées de portée 3 :

  • Réduire les émissions des entreprises de leur portefeuille existant : les sociétés de placements privés et de capital de risque peuvent tirer parti de leur position d’investisseur pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions
  • Remanier la composition de leur portefeuille : les sociétés de placements privés et de capital de risque peuvent se retirer des secteurs à émissions élevées de carbone pour privilégier les secteurs à faibles émissions et ceux en processus de décarbonation
  • Défendre la cause : les sociétés de placements privés et de capital de risque peuvent participer à la défense des politiques pour obtenir de mesures incitatives gouvernementales, transmettre des connaissances et encourager des initiatives sectorielles relativement aux émissions de carbone et aux changements climatiques

Bien que les sociétés de placements privés et de capital de risque devront trouver l’équilibre entre activités créatrices de valeur et nouvelles initiatives liées au climat, la décarbonation apporte de nouveaux avantages, notamment :

  • l’accès à du capital par l’intermédiaire de subventions gouvernementales, de taux d’imposition préférentiels et d’autres avenues, la valeur des initiatives liées à l’énergie à faible émission de carbone ayant atteint 1,1 billion de dollars en 2022 à l’échelle mondiale;
  • la réduction des coûts par des gains d’efficacité sur le plan des opérations et des ressources;
  • un avantage concurrentiel grâce à une amélioration de la proposition de valeur;
  • des avantages sur le plan des relations avec les clients et de la perception de la marque.

La valeur des entreprises du portefeuille à l’étape du retrait représente un autre avantage dont les sociétés de placements privés et de capital de risque doivent tenir compte. Alors que le carbone comporte de plus en plus de coûts directs et indirects, les entreprises du portefeuille qui assurent une bonne gestion des risques et des occasions climatiques peuvent susciter un meilleur prix ou se trouver dans une position favorable au moment du retrait. En fait, le rendement climatique des entreprises des portefeuilles exercera une incidence grandissante sur le bassin d’acheteurs potentiels.

Adopter une approche de décarbonation graduelle

Sander Jansen et Christine Morris ont présenté une stratégie en cinq étapes pour aider les sociétés de placements privés et de capital de risque à comprendre les émissions financées de leur portefeuille et à exercer leurs activités comme un centre d’excellence climatique en offrant aux entreprises de leur portefeuille les outils, les connaissances et les programmes dont elles auront besoin pour fixer des cibles d’émissions et procéder à une décarbonation efficace. L’approche est axée sur l’établissement et la communication de cibles, l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de solutions précises, ainsi que l’évaluation et la préparation de rapports pour mesurer la réussite.

1. Calculer les émissions de GES par catégorie

Cette étape permet de déterminer se situent les sources de GES dans la chaîne de valeur des entreprises d’un portefeuille.

Les sociétés doivent recueillir toutes les données pertinentes sur les émissions de portées 1, 2 et 3, calculer les émissions de GES initiales dans chaque catégorie, déterminer les paramètres de production de rapports et confirmer l’approche de consolidation de l’entreprise. Par exemple, si 40 % de l’ensemble des émissions d’une entreprise sont de portée 3, un plan spécialisé sera nécessaire pour se conformer aux normes de l’initiative Science Based Targets (initiative SBT). Les entreprises doivent consacrer du temps et un budget suffisants à cette étape et travailler en étroite collaboration avec les sociétés de portefeuille et les propriétaires de données.

2. Former les dirigeants dans le domaine des risques et des stratégies climatiques

Cette étape est axée sur les personnes qui sont responsables (qui) de la mise en œuvre et de l’achèvement de la stratégie de décarbonation et qui doivent rendre des comptes à cet égard. Il s’agit de fournir aux conseils d’administration et aux équipes de direction des entreprises de portefeuille une formation complète et personnalisée sur la transition liée au climat et au carbone.

La bonne approche présentera dès le départ les ambitions, les risques et les possibilités de la transition liée au carbone et suscitera l’adhésion des parties prenantes aux premières étapes du processus. Il faudra d’abord jeter les bases et traiter de la durabilité à long terme. Le perfectionnement des dirigeants sera ensuite axé sur un classement concret des GES par catégorie et des indicateurs de rendement clés (IRC) adaptés au secteur et aux tendances des pairs.

3. Élaborer et mettre en œuvre un modèle de prévisions

Les sociétés de placements privés et de capital de risque doivent préparer des prévisions détaillées pour déterminer avec précision les émissions (quoi) qui peuvent être éliminées et celles qui peuvent être réduites dans les activités quotidiennes et au sein du portefeuille. Étant donné que la croissance d’une entreprise peut entraîner une augmentation des émissions, les prévisions doivent comprendre des moyens concrets de jumeler la décarbonation et la croissance.

L’objectif consiste à produire un modèle de prévisions des émissions qui tient compte des activités courantes et comprend des initiatives et des scénarios de réduction significatifs.

4. Établir des objectifs et trouver des initiatives de transition réalisables

Les étapes 1 à 3 jettent les bases de l’établissement des objectifs. Des objectifs concrets y sont énoncés et des initiatives de transition liées au carbone y sont décrites et placées en ordre de priorité. Trop souvent, les entreprises prennent des engagements sans décrire comment les réaliser. Cette étape consiste à établir des objectifs ambitieux et atteignables ainsi que des IRC crédibles liés au climat.

La réussite de cette étape repose sur la collaboration. Les sociétés de placements privés doivent établir et maintenir des canaux de communication avec les dirigeants des entreprises de leur portefeuille et les équipes opérationnelles sur le terrain qui possèdent une expérience pratique de l’équipement et des processus à émissions élevées. Les équipes chargées des transactions et les entreprises du portefeuille peuvent travailler en collaboration pour cerner les occasions de décarbonation, évaluer leur faisabilité et en quantifier les coûts.

Voici des mesures de décarbonation que peuvent prendre les entreprises :

Portée 1: passer à des véhicules zéro émission, adopter des combustibles de rechange à faible teneur en carbone, remplacer les systèmes de chauffage au gaz naturel par des systèmes zéro émission ou à faibles émissions.

Portée 2: acheter de l’énergie renouvelable, favoriser les énergies renouvelables dans les établissements, augmenter l’efficacité énergétique (éclairage au moyen de diodes électroluminescentes, isolation, système récent de chauffage, ventilation et climatisation), installer des systèmes informatiques écoénergétiques.

Portée 3: réduire les déplacements des employés, conserver les ressources inexploitées, réduire le gaspillage d’énergie, fabriquer des produits à durée prolongée, réduire les partenariats avec des entreprises à émissions élevées, vendre les surplus d’énergie renouvelable à des partenaires, établir des politiques pour encourager les partenaires de la chaîne d’approvisionnement à adopter de l’équipement et des processus zéro émission ou à faibles émissions.

Cette étape produira un objectif concret qui décrit la portée, les types d’émissions, l’année visée et l’ampleur de la réduction sous forme de pourcentage. Cet objectif doit être formulé comme suit : [ENTREPRISE] s’engage à réduire ses émissions de portée 1, de portée 2 et de portée 3 de [##] % d’ici [2030], par rapport à l’année [ANNÉE].

L’objectif en pourcentage offre aux entreprises du portefeuille une cible concrète à atteindre et une mesure d’évaluation du rendement déterminée. Le projet de carboneutralité doit refléter les ambitions des principales parties prenantes et la capacité de réduction des GES des initiatives sélectionnées et se jumeler à la croissance de l’entreprise.

5. Créer un programme de transition lié au carbone et le déployer

La dernière étape comprend un échéancier et détermine quand la transition liée au carbone sera entièrement intégrée dans une entreprise donnée du portefeuille. Il est important que le programme de transition liée au carbone soit détaillé et intègre complètement la stratégie et les objectifs.

Le programme doit comprendre des paramètres et établir un échéancier des initiatives prioritaires de transition liée au carbone. L’échéancier doit tenir compte du financement et des capacités d’exécution du programme. Les changements opérationnels internes nécessaires doivent y être décrits, ainsi que les répercussions durables dans un scénario ultérieur à un retrait.

Comment KPMG peut aider

Les conseillers professionnels des groupes  Services-conseils transactionnels et Enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance de KPMG possèdent les compétences requises pour aider les sociétés de placements privés et de capital DE risque à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies de décarbonation dans l’ensemble de leurs portefeuilles. Nos spécialistes possèdent des connaissances approfondies sur les subtilités des lois et des données relatives aux émissions, qui sont en constante évolution, ainsi que sur les pratiques et les normes sectorielles. Notre approche contribue à transposer les connaissances liées au carbone aux activités de placements privés tout au long du cycle de vie des transactions en mettant l’accent sur le renforcement de la confiance des parties prenantes et la croissance de la valeur pour les entreprises.

Si vous avez besoin d’aide pour concevoir et lancer une approche progressive adaptée à votre portefeuille, qui appuie la mission de votre société et répond aux cibles climatiques de manière crédible, concrète et mesurable, communiquez avec nous pour amorcer la conversation.


1 World Economic Forum, Global Risk Report
2 World Economic Forum, This is how climate change could impact the global economy
3 IPCC – AR6 Synthesis Report: Climate Change 2022
4 World Economic Forum, This is how climate change could impact the global economy

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